Corruption passive dans le secteur minier en République du Congo
Le secteur minier en république du Congo demeure le bastion de la corruption. Le paradoxe est clairement souligné non seulement entre la tentative d’une mise en œuvre d’intégration non cohérente des mines d’une part et la politique de développement durable couronnée par une litanie de ratifications des accords et traités d’autre part, mais surtout par le financement de la dictature et de la guerre contre les opposants du régime en place.
Le paysage socio-économique est marqué par l’injustice sociale flagrante entre les parties du Nord et du Sud du pays, entre ethnies et la pauvreté soutenue par des salaires de la population au seuil de la misère à l’exception des hommes du pouvoir et ses alliés. A cela s’ajoute une législation minière au détriment du peuple congolais sous la couverture de rendre le secteur minier plus attractif.
En effet, le salaire proposé dans le secteur minier pour les nationaux est établi sur proposition des acteurs miniers dominants grâce à la corruption alors que les expatriés bénéficient de contrat de travail signé depuis leur pays d’origine suivant les considérations de la législation occidentale tenant compte de certains facteurs tels que l’éloignement, le risque de vie en zone dangereuse. Les nationaux signent leur contrat soit dans le village proche de la mine et s’il s’agit des cadres vivant à l’étranger et notamment en occident le contrat est signé depuis la capitale du pays dans le cadre d’un contrat local. Pour faire accepter cette organisation salariale la corruption intervient également entre décideurs politiques , politico-administratifs et les représentants des sociétés minières.
Pour y arriver à la compréhension de la corruption nous allons d’abord faire un survol de l’historicité de l’organisation du secteur minier depuis l’époque coloniale jusqu’aujourd’hui, ensuite nous allons analyser sommairement le processus de valorisation des titres miniers et enfin nous mettrons en exergue quelques pistes exploitées pour la corruption passive.
Exploitation des minerais avant la période coloniale, la période coloniale et post coloniale au Congo.
La production locale de certains minéraux par les autochtones tels que le fer, le cuivre et l’or a survécu jusqu’au début du XX° siècle. Les techniques utilisées étaient rudimentaires. Avec la colonisation essentiellement britannique, belge, française et portugaise s’est amorcée la domination minière par les étrangers. Celle-ci s’est accentuée avec la naissance des enclaves minières contrôlées par les étrangers qui ont établi les bases de la corruption en appuyant la politique dictatoriale à tel point que les décisions d’obtention des titres miniers dont les permis d’exploitation sont devenus tributaires du régime en place.
Au XXI° siècle le rôle de l’Etat semble figuratif attendant ses 10% générés par le droit minier et sert des mines pour un appui politique. En revanche, les compagnies minières souvent cotées en bourse se servent de leurs concessions pour le blanchissement de l’argent et contrôler la main d’œuvre sur la base des lois dénudées de toute réalité de terrain. A la tête de la gestion de ce secteur il faut des hommes de main voués au régime politique. C’est dans ce contexte que le général Pierre OBA prétendu né en 1953, ancien patron de la sécurité et du ministère de l’intérieur se retrouve depuis plus 10 ans à la tête du ministère des mines et de la géologie. Le colonel Pierre NGASSAIKI âgé de plus de 70 ans, directeur du cabinet, ancien directeur de la sécurité d’Etat, avec secrétaire de confiance Lydie BOUGOBE. Monsieur Djama Louis-Marie, maître assistant au département de géologie de l’université Marien Ngouabi, conseiller au ministère des mines et de la géologie et directeur des mines assure le contrôle des permis sur terrain. Hilaire Elenga, maître assistant au département de géologie de l’université est également le directeur du Centre de recherches géologiques et minières (CRGM). Au final, un panel de parents pour garantir le secret minier et la corruption.
En prétextant la modernisation et diversification de l’économie congolaise, le gouvernement a voulu vendre les titres miniers sachant bien que ce sont des sociétés juniors qui viendraient au front des campagnes d’exploration. Ces sociétés minières ne viennent pas pour exploiter les minerais, mais viennent produire l’argent par le biais des enjeux boursiers et des salaires hors normes occidentales pour amodier les permis aux grandes sociétés seniors. L’astuce est simple : gagner la confiance des autorités du pays par la corruption passive et des équipes de collaboration imbriquées dans le réseau politique.
Signature des accords et traités non respectés.
Les institutions financières injectent l’argent dans les pays stables. Pendant que les sociétés minières classent la république du Congo en zone rouge pour permettre aux expatriés de bénéficier de gros salaires, elles tiennent un autre discours auprès des autorités congolaises en évoquant un pays de paix et de travaille. Les autorités congolaises, quant à eux, considèrent que la bonne volonté politique de mieux faire pour le bien être du pays justifie le bradage des permis.
Convention dans le secteur de l’environnement
Plusieurs conventions son ratifiées avec enthousiasme sans application concrète. La littérature nous en fournit une liste non exhaustive.
- la convention de Londres, relative à la protection de la faune et de la flore en Afrique de novembre 1933, ratifiée par la loi n°8 de novembre 1937,
- la convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles de septembre 1968, ratifiée par la loi n°27/80 du 21 avril 1980,
- la convention de Washington ou convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), ratifiée par la Ioi n°34/82 du 7 juillet 1982 ;
- la convention de Ramsar sur les zones humides d’importance internationale particulièrement comme habitat de la sauvagine de février 1971, ratifiée par la Ioi n°28/96 du 25 juin 1996 ;
- la convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique ratifiée le 25 juin 1996 ;
- la convention sur la diversité biologique de juin 1992, ratifiée par la Ioi n°29/96 du 25 juin 1996 ;
- la convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dans les pays gravement touchés par la sécheresse et/ou la désertification, en particulier en Afrique de 1994, ratifiée par la Ioi n°8-99 du 8 janvier 1999 ;
- la convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage ou convention de Bonn de 1985, ratifiée par la Ioi n°14/99 du 3 mars 1999 ;
- la convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à Iongue distance, adoptée !e 13 novembre 1979 et entrée en vigueur le 16 mars 1983 ;
- la convention de Vienne sur la protection de la couche d’ozone, adoptée le 23 mars 1985 et ratifiée le 16/11/1994, entrée en vigueur le 22 septembre 1988 ;
- la convention de Bale sur le contrôle des mouvements transfrontières des déchets dangereux et de leur élimination, adoptée le 22 mars 1988 et, entrée en vigueur le 5 mai 1992 ;
- la convention du BIT sur la sécurité des produits chimiques au travail, adoptée le 25 juin 1990 ;
- la convention de Bamako sur I ‘interdiction d’importer en Afrique les déchets dangereux et le contrôle de leurs mouvements transfrontaliers , adoptée le 30 janvier 1991 ;
- la convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font I’objet d’un commerce international (PIC), adoptée le 10 septembre 1988 et dont le processus de ratification est en cours ;
- la convention de coopération pour la protection et la mise en valeur du milieu marin et des zones côtières de I ‘Afrique de I ‘Ouest et du Centre (Abidjan, 1981) ;
- la convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles (Alger, 1968).
- le protocole de Kyoto ratifié le 12 février 2007 ;
- le protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone et amendements, adoptés le 16 septembre 1987 et entrée en vigueur le ler janvier 1989 ;
- I ‘accord international sur les bois tropicaux de novembre 1994, ratifié par la Ioi n°41/84 du 7 septembre 1984 ;
- I ‘accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique-Eurasie (AEWA) ;
- I ‘accord de Lusaka sur les opérations concertes de coercition visant le commerce illicite de la faune et de la flore sauvage de 1994, ratifiée par la Ioi n° 82/96 du 28 ao0t 1996 ;
- le traité relatif à la conservation et à la gestion durable des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale, février 2005.
L‘encadrement juridique du secteur minier
Le gouvernement congolais tente de contrôler le secteur des mines et de la géologie par la loi n° 4-2005 du 11 avril 2005 portant Code minier , la loi n° 24-2010 du 30 décembre 2010 fixant les taux et les règles de perception des droits sur les titres miniers , le décret n° 2007-274 du 21 mai 2007 fixant les conditions de prospection, de recherche et d’exploitation des substances minérales et celles d’exercice de la surveillance administrative , le décret n° 2007-293 du 31 mai 2007 fixant les règles techniques d’exploitation des carrières de géomatériaux , et le décret n° 2008-338 du 22 septembre 2008 portant création et organisation du bureau d’expertise, d’évaluation et de certification des substances minérales précieuses. A ces lois s’ajoutent de la loi n° 003/91 du 23 avril 1991 sur la protection de l’environnement et de la loi n° 6-2003 du 18 janvier 2003 portant charte des investissements.
S’agissant des mines et de la géologie, plusieurs possibilités de corruption passive peuvent intervenir au niveau :
Des autorisations délivrées par le Ministre des mines et de la géologie :
- Préparation de décrets délibérés en Conseil des ministres lorsqu’il s’agit des permis de recherches et les permis d’exploitation.
- Obtention des autorisations de prospection minière.
- Obtention des autorisations d’exploitation industrielle pour les carrières et les petites mines.
- Conventions minières. Elles sont encadrées de manière à être favorables aux sociétés minières et pour cela il faut de la corruption passive. A titre d’illustration au Congo, tous les expatriés bénéficient de prime d’éloignement et du risque alors que la diaspora, une fois embauché n’en bénéficie pas sauf certains complices de la misère du peuple congolais.
Tous ces documents sont délivrés uniquement sur avis du Ministre des mines et de la géologie sans contrôle d’une autre autorité. On comprend dès lors l’enjeu qui existe entre les parties concernées dans le projet minier.
Des autorisations émanant directement de l’autorité administrative centrale des mines
Dans le cas des autorisations d’exploitation de type artisanal.
C’est le pouvoir du directeur général des mines et de la géologie qui est déterminant à ce stade.
Transactions minières.
Toute opération de cession de transmission doit obtenir l’aval du Ministre des mines et de la géologie et sa signature vaut de l’argent sous enveloppe et non déclaré.
Etude d’impact environnemental et social
Pour faire passer cette étude à l’approbation, il faut généralement de l’argent sous enveloppe non déclaré.
Cahier de charge non respecté par les sociétés minières
Selon les autorités congolaises, le manque de moyens financiers et de compétences techniques et professionnelles rattachées au secteur minier justifie l’octroi des titres miniers aux étrangers qui disposent de fonds pour assurer l’exploration et l’exploitation des ressources minérales. A cette faiblesse, s’ajoutent le manque d’industrialisation du pays, la formation inadaptée en milieu professionnel, l’absence des infrastructures. L’hypocrisie du gouvernement réside essentiellement au niveau des revenus entre expatriés et des nationaux travaillant dans le secteur minier, surtout lorsqu’il s’agit de l’embauche de la diaspora. Pourtant, le ministre des mines et de la géologie rapporte l’embauche en priorité des nationaux congolais, cependant à coût biaisé comparativement aux étrangers.Quant à la formation, le ministère des mines et de la géologie se contredit en embauchant en priorité les parents du régime en place, incompétents, laissant de côté les cadres expérimentés en mines et géologie. Au pire, le même ministère des mines empêche la surveillance administrative des sociétés minières par les cadres de son ministère ou s’il accepte la surveillance ce sont les fonctionnaires complaisants qui sont envoyés en mission.
Le fonds minier conformément à l’article 131 du code minier est bafoué grâce à la protection du ministre des mines. Les faits ci-après ne sont pas couverts par les sociétés minières et les sommes planifiées à cet effet sont partagées entre les autorités du ministère des mines et la haute administration des sociétés minières :
- Formation et perfectionnement du personnel de l’administration des mines ;
- Appui universitaire et local aux métiers des mines et de la géologie
- Voyage d’études
- Accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication ;
- Moyen de transport
- Outil informatique et les logiciels afférents à l’exploration et l’exploitation.
Sociétés à risque de la corruption passive au Congo.
Toutes les sociétés minières peuvent être victimes de la corruption pour pérenniser les titres miniers au niveau de l’exploitation pou se prévaloir le droit d’une durée de 25 ans d’activité. Nous ne citerons que quelques exemples.
Cas Congo Iron
Prétendu filiale de Sundance Resources Ltd, Congo Iron est en réalité une succursale de Cam Iron qui est une société de droit camerounais. Il est certain que Congo Iron a commencé à fonctionner comme une succursale de Cam Iron pour couvrir plusieurs frais dans l’enjeu de la corruption.
La société Congo Iron détient deux titres miniers à savoir Nabemba Mbalam au rang du permis d’exploitation et le permis de recherches Ibanga. Ce dernier a été renouvelé deux fois en tant que permis de recherche et son statut actuel est le fruit de la corruption alors que les travaux effectués à date ne permettent plus à Sundance d’en disposer pour des travaux. La restitution à l’état dans le cadre d’une mascarade permettra au ministre des mines et de la géologie d’en disposer et ventre à un autre partenaire qui versera des dividendes au ministre des mines et de la géologie associé avec l’actuel directeur général de Congo Iron, Monsieur Aimé Emmanuel YOKA.
Actuellement, Sundance Resource cherche à mobiliser 5 milliards de dollars pour la poursuite du développement de ses mines. Entre-temps, pour assurer la couverture de la corruption Monsieur André BAYA, Mauricien, a été remplacé par Monsieur Aimé Emmanuel YOKA, fils du pouvoir en place. Titulaire d’une licence en mathématique-physique et titulaire d’un diplôme en management du pétrole, sa nomination a été imposée par le ministre OBA pour s’assurer des transactions minières étant donné que le permis d’exploitation a été octroyé sans preuve de garantie financier.
Pour éloigner le facteur humain gênant dans la corruption, Sundance évoque le plan de restructuration en licenciant les cadres de la société pour garder le personnel illettré aux mines.
La société Avima Fer avec Core Mining
Principale actionnaire, Severstal (16 %)) et l’Etat congolais (25 %), bénéficie de mêmes avantages que Congo Iron avec l’appui du ministre des mines et de la géologie. L’Etat congolais signifie en réalité certains acteurs politiques du régime en place.
Comme pour le cas du fer du projet Nabemba-Mbalam, l’évacuation du fer nécessitera le chemin de fer, mais cette fois le transport sera assuré via le Gabon au lieu du Cameroun. La corruption intervient au niveau des travaux, des conditions de travailleurs, des salaires et de la sous-traitance.
CE QU’IL FAUT RETENIR
La corruption pratiquée est passive par le biais de paiement de droit exagéré à tel point que le surplus financier retombe entre les mains des facilitateurs des titres miniers au niveau du ministère des mines et de la géologie et les associés incluant le ministère de l’environnement. Il suffit de cumuler le versement des sommes accordées aux partenaires de Cam Iron et Congo Iron dont Roger Bognie , Sil Olivier, les amendes en douane, la prise en charge du ministre des mines par les sociétés minières et son administration pour s’interroger sur des relations entretenues avec la haute autorité politique et politico-administrative.