Paris, le 8 mars 2025 – Le Collectif Sassoufit exprime sa plus vive indignation face à l’incompétence flagrante de la justice française, qui vient de permettre à Mme Antoinette Tchibota Sassou Nguesso de se soustraire à la justice. La Première dame du Congo-Brazzaville a quitté précipitamment le territoire français début mars, après avoir été convoquée fin février par un juge d’instruction à Paris dans le cadre de l’affaire des « biens mal acquis ». Cette fuite, rendue possible par l’absence de mesures judiciaires conservatoires élémentaires, constitue un échec retentissant de la part des autorités françaises à remplir leur devoir le plus fondamental : empêcher qu’une personne mise en cause ne prenne la fuite pour échapper à la justice.
L’échec de la justice française à empêcher la fuite d’une suspecte majeure
Le départ précipité de Mme Sassou Nguesso met en lumière de graves défaillances du système judiciaire français. Malgré les risques de fuite évidents dans ce dossier sensible, aucune mesure stricte (telle qu’une interdiction de quitter le territoire ou une détention provisoire) n’a été prise pour s’assurer de la présence de l’intéressée devant le juge. En permettant qu’une personnalité mise en cause dans une affaire de corruption internationale aussi emblématique quitte le pays en toute hâte, la justice française a failli à sa mission. Le Collectif Sassoufit dénonce cet échec inadmissible : il en va de la crédibilité même de l’action judiciaire de la France dans la lutte contre la corruption et l’impunité.
Quinze ans d’attente pour le procès des « biens mal acquis »
Le peuple congolais attend depuis des années que justice soit rendue dans l’affaire des biens mal acquis impliquant le clan Sassou Nguesso. Pour mémoire, une première plainte d’ONG avait été déposée en 2007 concernant le patrimoine considérable accumulé en France par des dirigeants congolais. Or, près de dix-huit ans plus tard, aucun procès n’a encore eu lieu concernant le Congo-Brazzaville, malgré la saisie de plusieurs biens de luxe (hôtels particuliers, appartements) attribués à la famille au pouvoir. Cette attente prolongée et inexpliquée suscite incompréhension et colère parmi les Congolais et les franco-congolais, qui s’interrogent sur la volonté réelle des autorités françaises de faire aboutir ce dossier. Le Collectif Sassoufit souligne qu’une justice retardée équivaut à une justice refusée : il est urgent que ce dossier avance enfin vers un procès équitable et transparent.
Une affaire à ne pas transformer en outil de chantage diplomatique
Le Collectif Sassoufit met en garde contre le risque de voir l’affaire des biens mal acquis se transformer en un simple levier diplomatique entre Paris et Brazzaville. En l’absence de progrès judiciaire concret, ce dossier pourrait être instrumentalisé comme une monnaie d’échange dans les négociations franco-congolaises, plutôt que d’être traité comme une affaire pénale à part entière. Il serait inacceptable que la justice française utilise le sort de ce procès comme moyen de pression politique, au détriment des principes d’indépendance judiciaire et du droit des Congolais et des franco-congolais à obtenir réparation. Seul un procès public et impartial permettra de dissiper tout soupçon d’ingérence politique et de restaurer la confiance dans l’engagement de la France contre la corruption internationale.
Des précédents alarmants : Ndenguet et Oba laissés libres
Cet épisode rappelle de fâcheux précédents où des responsables congolais poursuivis pour des crimes graves ont pu échapper à la justice française. En 2004, Jean-François Ndenguet, le directeur général de la police du Congo (en poste jusqu’à juin 2024), mis en cause pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité (affaire des « disparus du Beach »), avait été arrêté à Paris… avant d’être relâché et de pouvoir quitter la France sans poursuites ultérieures. De même, le général Pierre Oba, ancien ministre de l’Intérieur du Congo également visé par des accusations de crimes contre l’humanité, a pu séjourner en France puis rentrer à Brazzaville sans jamais être inquiété par la justice française. Ces cas illustrent une laxité inquiétante : malgré la gravité des faits reprochés, les mécanismes judiciaires n’ont pas su ou voulu retenir ces individus pourtant recherchés. Le Collectif Sassoufit déplore que la France, patrie des droits de l’homme, ait ainsi failli à rendre justice dans des affaires impliquant des dignitaires étrangers accusés des pires exactions.
Impunité prolongée : le parallèle avec les génocidaires rwandais
Le cas d’Antoinette Sassou Nguesso s’inscrit dans une tendance plus large d’impunité prolongée sur le sol français pour des auteurs de crimes majeurs. Le parallèle est édifiant avec la présence en France pendant de longues années de responsables du génocide rwandais de 1994, qui ont pu y résider sans être immédiatement inquiétés. Il a fallu plus de vingt ans pour que certains de ces génocidaires présumés soient enfin traduits devant les tribunaux français, illustrant la lenteur – pour ne pas dire la complaisance – avec laquelle ont été traités des dossiers pourtant gravissimes. Le Collectif Sassoufit voit dans cette situation un avertissement : lorsque la justice tergiverse face à des crimes de masse ou des détournements massifs de fonds, cela conduit à une érosion de l’État de droit et encourage d’autres individus accusés à se croire à l’abri. Aucune considération diplomatique ou géopolitique ne devrait primer sur la poursuite de la justice, qu’il s’agisse de criminels de guerre ou de détourneurs de deniers publics.
Pour une justice effective et la restitution des avoirs au peuple congolais
Le Collectif Sassoufit exige aujourd’hui une réponse forte et tangible de la part de la justice française. Premièrement, il est impératif qu’un procès équitable de l’affaire des biens mal acquis du Congo-Brazzaville soit organisé dans les plus brefs délais, afin que toute la lumière soit faite sur les détournements de fonds publics présumés et les responsabilités engagées. Deuxièmement, en cas de condamnation des personnes impliquées, le Collectif Sassoufit insiste pour que l’intégralité des fonds provenant des saisies et des ventes des biens mal acquis soit restituée au peuple congolais. Ces ressources – qui se chiffrent en dizaines de millions d’euros – doivent être affectées à un fonds spécial pour le développement et la démocratisation du Congo-Brazzaville, sous supervision indépendante. Il est hors de question que l’argent volé aux citoyens congolais finisse dans les caisses d’un État étranger ou retourne aux mains de ceux qui l’ont détourné. Une telle mesure de restitution serait un signal fort, concrétisant l’objectif ultime de la procédure : réparer, autant que faire se peut, le tort causé au pays et à sa population.
Justice attendue, justice exigée
Le Collectif Sassoufit appelle la France à honorer ses principes et ses engagements internationaux en matière de lutte contre la corruption et l’impunité. Il est temps que la procédure des biens mal acquis aboutisse enfin à un procès juste, et que plus aucun passe-droit ne soit accordé aux dignitaires accusés. L’impunité ne doit plus être la règle : ni pour Mme Antoinette Tchibota Sassou Nguesso, ni pour aucun des responsables impliqués dans des crimes économiques ou crimes de sang. Les Congolais et franco-congolais, qui suivent avec espoir ce dossier depuis trop longtemps, ont le droit d’obtenir justice. Le Collectif Sassoufit restera vigilant quant aux suites judiciaires de cette affaire et réitère que seule une justice ferme et indépendante permettra de restaurer la confiance du peuple dans les institutions et d’envoyer un message clair : la France ne sera plus un refuge pour l’impunité.
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